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La catastrophe de Graville

Après avoir vécu deux années truffées d’anniversaires, nonantième de 1914, soixantième me la Libération, d’Hiroshima et tant d’autres, nous avons pensé que le moment était venu de rappeler un événement qui, dans cette guerre que l’on dit grande, dans laquelle les humains s’entretuèrent par millions, relèverait presque de l’anecdote. Cette tragédie se joua non loin du Havre, dans un établissement pyrotechnique belge.

Bien malheureusement, nous n’avons pas eu le loisir d’aller sur place photographier les monuments ni même rendre hommage aux victimes, mais nous ne désespérons pas de pouvoir le faire à l’avenir. Il nous faut dès lors nous contenter de répercuter une relation des faits et elles ne sont pas légion.

Nous avons choisi celle publiée en 1934 par Albert Chatelle, dans son justement très renommé "L’effort belge en France pendant la guerre" édité chez Firmin-Didot et Cie à Paris. Elle est, à notre connaissance, une des plus complète. Les lignes qui suivent ont été retranscrites fidèlement, seule la mise en page et les illustrations proviennent d’horizons divers.

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La base de guerre du Havre, tel est bien le titre qu’il convient de donner à l’ensemble des établissements militaires que le gouvernement belge fut amené à créer dans la région havraise pour assurer, par ses propres moyens et en pleine indépendance le ravitaillement de son armée.

Dès le 13 octobre 1914, le ministre de la Guerre, soucieux d’assurer à l’artillerie belge les munitions dont elle a le plus grand besoin, charge le commandant Blaise de son cabinet militaire de se rendre au havre. Le commandant Blaise a notamment ordre de créer des ateliers où l’on effectuerait les opérations de raccourcissement que doivent subir les douilles d’obus de 75 françaises avant de pouvoir être utilisées par les canons belges.











Un des bureaux improvisés du ministère de la Guerre, au Havre, avec, de gauche à droite, les commandants Dupont, Blaise et Quintin.

Le 18 octobre, M. de Broqueville prescrit  l’envoi immédiat au Havre de l’École de pyrotechnie évacuée d’Anvers à Calais. L’École de pyrotechnie, dirigée par l’ingénieur Wauters, s’installe dans deux vastes bâtiments de l’ancienne usine franco-américaine Bundy, située sur le territoire de Graville, à mi-chemin entre Le Havre et Harfleur et à proximité des vastes installations des usines Schneider, le long du canal der Tancarville. Le personnel de la pyrotechnie est d’environ 250 hommes. L’outillage ne comprend que quelques machines-outils embarquées à Zeebrugge après l’évacuation d’Anvers.

 Le travail commence sans retard, et le 27 octobre un premier envoi de 4.300 obus de 75 transformés part pour Calais. Les envois vont se faire quotidiennement et provisoirement par mer, en raison de l’encombrement fantastique qui règne sur les voies ferrées montant vers Calais-Dunkerque. Le 4 novembre, M. de Broqueville arrive au Havre où il a une conférence avec la direction des usines du Creusot, le capitaine Laurens, de la mission militaire française près de l’armée belge, et le commandant Blaise de son cabinet militaire. À la suite de cette entrevue, M. de Broqueville et le général Joffre signent un accord mettant à la disposition de l’armée belge un nouveau stock de 50.000 obus de 75 dont le parc d’artillerie de Calais assure la distribution à l’armée en campagne. Puis, le 20 novembre, le gouvernement français prescrit d’envoyer tous les cinq jours 10.000 cartouches de 75 à la pyrotechnie belge.

 Un service des poudres, sous la direction de l’ingénieur Stevens, procède au polygone d’Harfleur, appartenant aux usines Schneider, à des essais de tir pour le dosage des poudres envoyées par le gouvernement français pour le rechargement des douilles revenant du front. Plus de 10.000 kilos de poudre noire provenant de l’évacuation d’Anvers avaient été tout d’abord utilisés. Le service des poudres installe à proximité du polygone ses ateliers et magasins qui ne cesseront de se développer jusqu’à l’explosion de décembre 1915.

 Le 28 mars 1915, un atelier de chargement d’obus explosifs entre en activité sous la direction de l’ingénieur Delattre. L’on y travaille nuit et jour, et moins d’un mois après, la production quotidienne atteint 3.000 obus. À la même époque s’ouvre une fonderie de petites balles rondes en acier pour le chargement des obus dits à shrapnells. Un jour viendra où ces établissement procéderont au chargement des grenades à main, puis à la fabrication  de mortiers de tranchée (1) , et, enfin, de canons pour l’artillerie lourde. Tout le développement de la base de guerre du Havre se trouve résumé dans cette progression qui va de la balle de shrapnell au canon lourd à grande puissance. (…)











                                          Atelier d’usinage d’obus installé à Graville.

Au début de 1915, les ateliers du Havre commencent à construire de nouvelles batteries d’artillerie à l’aide d’affûts de 77 pris à l’ennemi, de canons fabriqués au Havre, et d’appareils de visée fournis par l’armée française. Les caissons d’artillerie sont ceux capturés au front et transformés. Lorsque le butin de guerre fait défaut, les ateliers du Havre construisent des caissons neufs. À Calais, les ateliers de réparations de canons et de fusils, retour du front, continuent à fonctionner avec d’autres services secondaires.

 En mai 1915, le général Foch recevant M. de Broqueville à son Q.G. à Frévent, lui avait dit : « La guerre sera une guerre industrielle. » Cette parole de Foch avait retenu l’attention de l’homme d’État. Les besoins croissants en matériel de toute espèce, de l’armée sur l’Yser, montraient que l’heure allait venir où il faudrait réorganiser complètement  tous les ateliers militaires belges, afin de leur donner une impulsion nouvelle.

 Le 16 août 1915, le Roi signe un arrêté assurant l’unité de direction dans les multiples services d’artillerie, ateliers de munitions, de réparations, etc. En vertu de l’arrêté, un certain nombre de services restés sur le territoire du camp retranché de Calais vont venir se réorganiser au Havre. Le ministre de la Guerre, chargé de l’exécution de la décision royale, donne au commandant Blaise, qu’il a vu à l’œuvre, la direction de tous ces services avec le titre de « délégué du ministre de la Guerre à la direction des Établissements d’artillerie ». Il a tout pouvoir pour diriger hardiment. Le choix du ministre est des plus heureux. Le commandant Blaise, d’une grande expérience et d’une grande activité, s’entoure immédiatement de collaborateurs dignes de lui. Chaque service conserve ou reçoit des chefs éprouvés.

 L’état-major des établissements de la base de guerre comprend 150 ingénieurs et officiers, notamment 4 commandants d’artillerie :Quintin, Dupont, Fauquel et Bemelmans. L’on y retrouve l’élite des ingénieurs civils et militaires de Belgique, tels que MM. Denys, Huughe, Caillet, Willmet, Bronne, Bertrand, Édouard, Wauters, Lefebvre, Lenglez, Cardinal, van Deuren et Stevens qui trouva la mort dans l’explosion de Graville avec son adjoint le sous-lieutenant Jacquemin.










                                    





                 Les ateliers de fabrication d’obus à Graville en…1917.

L’ingénieur civil Delattre, spécialiste du service des poudres, réussit à s’évader de Belgique en 1915 et accourut se mettre à la disposition du ministre de la Guerre. Parmi les autres chefs de service, conservons aussi les noms du capitaine Deschepper, du colonel Loiselet (en Angleterre), des sous-lieutenants Dufour et Bartels, du vétérinaire principal Meuleman, de l’ingénieur des mines Eloy. Outre les ateliers de fabrication de munitions déjà en ordre de marche, la base de guerre de l’armée belge va organiser ou réorganiser des ateliers de construction de matériel de charroi automobile et hippomobile, de sellerie, maréchalerie, fonderie. Presque tous seront installées à Graville-Sainte-Honorine ; d’autres trouveront place sur la falaise de Sainte-Adresse.

 Les travaux d’aménagement étaient en cours lorsque le 11 décembre, une épouvantable catastrophe se produisit.

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 À la fin de 1915 les ateliers et services belges de Graville s’étendaient déjà sur cinq hectares de terrain autour de l’usine Bundy située boulevard Sadi-Carnot. Ils englobaient aussi les bâtiments d’une autre usine abandonnée où l’on avait jadis tenté l’exploitation de sables aurifères et qui, pour cette raison, portait le titre mirifique « d’usine d’or ».

 « L’usine d’or » transformée en un vaste dépôt d’explosifs, en renfermait plus de 320.000 kilos, lorsque le 11 décembre, vers 10 heures, une explosion détruisait brutalement les dépôts d’explosifs et mettait hors d’usage presque tous les ateliers de la base belge. Dans toutes les communes à 50 kilomètres à la ronde, au Havre, Lisieux, Yvetot, Fécamp, Port-Audemer, etc., et même à Dieppe (à 130 km), les dégâts étaient considérables. Hélas ! il y avait aussi plus de cent morts dans les décombres.

 La détonation avait été si formidable qu’on l’entendit distinctement à Rouen, à 90 kilomètres, où le sol « trembla » et où l’on crut que les usines Schneider du Havre procédaient aux essais d’un « gros mortier de siège ».

 Au Havre, l’affolement fut général et, pendant plus de trente secondes, l’on y entendit le gigantesque grondement de l’explosion se répercuter en écho sur les collines qui bordent la Seine.

 À moins de 1.500 mètres du centre de l’explosion se trouvaient les bureaux des « Corderies de la Seine » et l’un des employés (2) nous écrivait cette page saisissante :

"…Il était 10 heures moins cinq du matin, exactement ; j’étais dans les bureaux,  quand une sorte d’étranger rumeur, nettement perceptible à l’extérieur des bâtiments, me fit soudain dresser l’oreille. C’était comme un immense appel d’air qui sifflait entre les fenêtres. Je sentis alors un frémissement du sol qui, de suite, devint un véritable tremblement de terre. J’étais secoué sur ma chaise et je n’oublierai jamais ce « tremblement » du sol qui dura de six à huit secondes. Tous mes collègues épouvantés se levaient. J’eux le temps de crier : « c’est un tremblement de terre… » et juste à ce moment, le coup de l’explosion arriva, terrible, formidable… Je ressentis un grand choc dans le dos et dans la poitrine et je n’entendis pour ainsi dire pas la détonation dont les échos se perdirent dans un fracas épouvantable de carreaux brisés en millions de morceaux. Les fenêtres tombaient presque entières, et dehors, c’était un vacarme effrayant de tuiles et d’ardoises tombant en cascades des toits. L’on criait : « C’est un Taube, sauvez-vous… » Je gagnai la sortie, très pâle, mais avec tout mon sang-froid, me demandant s’il ne valait pas mieux rester dedans que sortir dans l’ignorance du danger exact. Je sortis cependant et, tout de suite, je, portai les yeux instinctivement dans la direction des usines Schneider, d’où nous entendions tant de détonations depuis des mois. Je fus fixé immédiatement car au-dessus de la pyrotechnie belge, un énorme panache, une véritable montagne de lourde fumée grisâtre achevait de dérouler ses épaisses volutes. Les 200 femmes de notre filature en plein travail, avaient reçu sur la tête une pluie de verre et de tuiles. Par miracle, aucune n’était blessée sérieusement, mais elles hurlaient d’épouvante, et plusieurs se roulaient dans la boue de la cour, sous le coup de violentes attaques de nerfs…Déjà, sur la route, couraient des Belges qui avertissaient : « Éloignez-vous, on attend d’autres explosions. »

Des officiers anglais se sauvaient, bride abattue, sur leurs chevaux. Tous les ouvriers et ouvrières des usines Schneider s’enfuirent sur les routes ou en pleins champs croyant que leur usine allait sauter elle aussi. Beaucoup étaient blessés au visage et aux mains par des éclats de verres ou de pierres. Sur la grande route nationale du Havre l’on voit alors un tragique et interminable défilé d’autos, de taxis, de camions automobiles et de véhicules de toutes sortes pleins de femmes et d’hommes en sang, qui pour la plupart sont des ouvriers de chez Schneider que l’on transporte en toute hâte vers les ambulances et les hôpitaux.

Je retourne aux corderies. Les nouvelles contradictoires commencent à se répandre : …une ouvrière de chez Schneider m’affirme encore que c’est cette usine qui a sauté ; elle arrive des ateliers et m’affirme que tout est détruit. Elle me jure qu’elle a vu, de ses yeux vu, un Taube, et que c’est ce Taube qui a jeté des bombes.

Enfin, vers 2 heures de l’après-midi, on apprend de façon certaine que l’explosion n’a pas eu lieu chez Schneider, mais bien au dépôt d’explosifs de la pyrotechnie…"

 Graville-Sainte-Honorine, Harfleur, Gonfreville l’Orcher offraient l’aspect de villes sévèrement bombardées, pas une maison n’était intacte. À Harfleur la vieille église n’avait plus un vitrail, les orgues se disloquèrent en poussant d’affreux soupir, les hautes portes du porche arrachées de leurs gonds gisaient au milieu de la nef. À l’église Notre-Dame, au Havre, une partie du couronnement en pierre de l’édifice tomba dans la rue Saint-Jacques.

Vers 11 heures, une seconde explosion, beaucoup moins importante, se produisit encore, puis ce fut le grand silence. Les pompiers du Havre accoururent avec leur matériel mais il n’y avait plus rien à faire, sinon ramasser les pauvres restes déchiquetés des  travailleurs belges.

Les services de la Croix Rouge des bases française, belge et anglaise envoyèrent aussitôt leurs ambulances automobiles, et même des camions garnis de paille. Le corps sanitaire anglais, les sections de l’Y.M. C.A. improvisèrent des salles de pansement. Au Havre, toutes les pharmacies se virent envahies par des blessés. L’on compta une dizaine de morts et plus de 1.500 blessés, dont une centaine très grièvement, dans les populations civiles.

Sans perdre un instant, la troupe commença à déblayer les ruines. Le général Drudde, commandant la région, et M. Morain, préfet de la Seine-Inférieure, arrivèrent ay Havre et parcoururent les communes sinistrées avec les membres du gouvernement belge, accompagnés des autorités civiles et militaires belges. Immédiatement, des secours furent distribués.

La recherche des cadavres, effectuée par des soldats belges, fut une chose horrible. Partout l’on retrouvait des membres déchiquetés et l’on en repêcha même jusque dans le canal de Tancarville. Dix corps seulement furent retrouvés à peu près intacts. L’on recueillit dans des toiles des débris humains pouvant représenter une trentaine de victimes. L’armée belge conduisit toutes ces funèbres épaves à l’hôpital, installé au lycée de garçons du Havre, où les infirmiers tentèrent d’impossibles identifications.

Les bâtiments de l’usine avaient complètement disparu et sur leur emplacement s’ouvrait un vaste entonnoir de 20 mètres de profondeur. Quarante-cinq travailleurs belges qui venaient de quitter le dépôt des poudres quelques instants avant sa destruction échappèrent ainsi miraculeusement à la mort.

Dans les champs éloignés où des cadavres avaient été projetés, l’on retrouva des chevaux, tués par des pierres lancées par l’explosion. Une malheureuse femme d’Harfleur fut tuée sur le coup par une brique, sur la route du Havre.

Sur les 320.000 kilos d’explosifs détruits, plus de 240.000 étaient de provenance américaine. Le reste était d’origine belge ou française. Lors de l’enquête que l’autorité militaire belge ouvrit quelques jours après, une « personne autorisée » signalait que dans les caisses de munitions provenant d’Amérique, l’on avait découvert un dispositif destiné à, provoquer une déflagration. Depuis, toutes les caisses étaient l’objet d’un examen minutieux.

La destruction avait été si complète, en hommes, en explosifs et en archives, que les causes de la déflagration ne furent jamais élucidées.

Les funérailles des victimes furent une pieuse et émouvante manifestation de douleur et d’émotion patriotique. Le maire du Havre avait fait afficher un appel à la population, la convoquant toute entière à assister aux funérailles (3). Les commerçants fermèrent leurs magasins pendant le passage du cortège funèbre. Pendant toute la journée et une partie de la nuit qui précédèrent les obsèques, les infirmiers belges travaillèrent à la mise en bière des corps. Le lendemain à l’aube, cent et un cercueils étaient déposés sur quinze prolonges d’artillerie dans la cour d’honneur de l’hôpital.






















Le service funèbre eut lieu à Notre-Dame du Havre décorée aux couleurs alliées, au milieu desquelles les drapeaux belges et français étaient cravatés de deuil. Les prolonges d’artillerie vinrent se masser autour de l’église, mais l’on en descendit point les cercueils. Après la messe, dite en  présence de toutes les notabilités et des représentants du Roi et des gouvernements français et belge, le clergé se rendit devant le portail où l’abbé Julien – futur évêque d’Arras – donna l’absoute et bénit les fourgons qui défilèrent lentement devant lui pendant que la musique du 129è d’infanterie jouait la marche funèbre de Meldelssohn.  

  Le monument aux victimes de l’explosion

Dans la rue, la foule pleurait. Sur la place du Vieux-Marché, le cortège s’arrêta et à une tribune improvisée, le ministre de la Justice de Belgique se fit l’interprète du Roi et de la nation belge pour saluer les victimes. Il rendit hommage à la mémoire de ces bons ouvriers de Flandre ou de Wallonie arrachés à leurs travaux rudes et paisibles par une guerre injuste. Le ministre du Travail du gouvernement français apporta les condoléances de la République, et M. Ancel, député du Havre, celles de la région havraise.

Les troupes en armes escortèrent jusqu’au cimetière les quinze prolonges d’artillerie. Deux ingénieurs, l’un des usines Schneider et l’autre de la pyrotechnie belge, adressèrent aux victimes un dernier adieu que suivit l’exécution des hymnes nationaux.

La foule immense le long du parcours était admirable de tenue, de silence, de gravité. Un spectateur écrira : "…Je pensais : c’est la grande guerre qui passe. Jamais nous n’avions senti si durement son souffle tragique qu’en ces minutes effrayantes où cent dix morts passaient lentement devant nous…". Un comité de secours aux familles, présidé par M. Schollaert, ministre d’État belge, s’organisa sous les auspices de la ville du Havre. En deux jours, près de 200.000 francs avaient été réunis (4).

L’enquête menée pour l’évaluation des dégâts fit constater qu’ils s’élevaient à plus de 12.500.000 francs pour des particuliers et diverses communes. Dans le Havre seulement il y avait environ 1.500 sinistrés.

Les usines Schneider dépensèrent plus de trois millions pour la remise en état de leurs usines, mais se refusèrent à réclamer la moindre indemnité au gouvernement belge. Il en fut de même des Tréfileries du Havre, de la société Westinghouse et de bien d’autres usines.

À peine étaient-ils remis de leurs émotions que les habitants du Havre et des communes environnantes avaient couru au plus vite chez les vitriers et les couvreurs. C’était d’autant plus urgent qu’une violente pluie ne cessait de tomber par rafales. Deux heures après l’explosion il n’y avait plus le moindre morceau de verre à vendre dans toute la région. , et comme dans nos villes bombardées, l’on vit surgir aux fenêtres des « carreaux »de carton, de bois, de tôle ou de toile huilée. Lorsque le contre-amiral gouverneur voulut faire opérer une réquisition de vitres chez les marchands, il était trop tard. Le maire du Havre écrivait au député, M. Ancel, qu’il en aurait fallu deux mille caisses, d’une valeur d’environ 240.000 francs. Dépense hors de proportion, disait-il, avec les ressources de la ville. L’on fit alors appel au ministre de l’Intérieur. En attendant, un consortium italien ayant offert 500 caisses de vitres, la ville décida d’en faire l’emplette.

Le ministre de la Guerre intervint pour faciliter l’expédition de onze wagons de vitres, qu’une maison de Paris ne pouvait envoyer, faute d’un ordre de transport. Par l’intermédiaire du consul général britannique au Havre, des maisons anglaises offrirent des vitres pour mille maisons. L’on crut un instant que c’était un geste généreux, mais les Anglais voulaient vendre leurs carreaux à raison de 3 pences et demi le pied, pris en Angleterre. La correspondance du consul général renferme cette phrase étonnante : « Sir Edward Grey espère recevoir une commande ferme de vous pour le verre de maison… » Au milieu de la tourmente Sir Edward Grey trouvait encore le temps de recommander les commerçants britanniques.

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Plus de 24.000 mètres carrés de bâtiments avaient été détruits, ou devaient être reconstruits, à la suite de l’explosion du 11 décembre 1915. Les dégâts avaient été si considérables qu’il avait fallu arr^ter toutes les fabrications pour aussitôt se consacrer exclusivement à la reconstruction des ateliers et baraquements. Officiers, ingénieurs, soldats et travailleurs comprirent que l’heure n’était pas aux atermoiements. Mille hommes travaillèrent résolument, pendant plus d’un mois, et les traces d’un si grand désastre ne tardèrent pas à s’effacer.

Mais cela est une autre histoire.


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